Les décors d'Au Revoir Là Haut ont nécessité des mois de préparation, de nombreux talents et une logistique dantesque.
Pour en témoigner, voici quelques photos des lieux d'origine et ce qu'ils sont devenus pour le film.
Ce décor comporte trois pièces : le bureau du patriarche, sa chambre ainsi que l'antichambre se situant entre les deux.
Les pièces étant censées se trouver au dernier étage de l'hôtel particulier des Péricourt, elles sont donc logiquement basses de plafond et comportent comme c'est souvent le cas, des oeils-de-boeuf.
En réalité le décor a été implanté au rez de chaussée du Château de Chambly dans l'Oise. Les plafonds ont été rabaissés, supportés par de fausses poutres elles-mêmes soutenues par des colonnes. Certaines fenêtres d'origine ont été occultées tandis que d'autres ont été modifiées en y ajoutant en applique, les fameux oeils-de-boeuf caractéristiques des derniers étages de ce type de bâtisse.
Ce lieu est l'un des rares du film à bénéficier de l'électricité, signe distinctif de richesse puisqu'à cette époque (1919), seuls les plus fortunés pouvaient se doter d'une telle installation. Cependant même dans ces maisons, la lampe à pétrole restait incontournable.
Observez attentivement celle qui se trouve sur la petite table de l'antichambre.. Le verre de lampe comporte une ampoule led qui était alimentée par une batterie dissimulée dans le pied et qui permettait de faire varier l'intensité lumineuse pour simuler les vacillements de la flamme. Beaucoup de lampes ont ainsi été équipées par les électriciens du film même si parfois, à la demande du réalisateur, des procédés d'époque comme des lampes à acétylène ont été utilisées.
quelques avant / après de la suite de Marcel Péricourt au Château de Chambly (Oise)
Les séquences du salon et de la salle à manger de l'hôtel particulier qui apparaissent également dans le film ont été tournées à l'Hôtel de la Païva sur les Champs-Élysées. Les séquences liées aux extérieurs du bâtiment ont quant à elles été tournées chez Artcurial, célèbre maison de ventes aux enchères située sur le rond-point des mêmes Champs-Élysées.
Ces décors, censés se situer dans les faubourgs de Paris dans le film, ont en réalité été implantés à une cinquantaine de kilomètres de la capitale, à Theuville dans le Val-d'Oise.
Comme vous le constaterez sur les photos suivantes, le lieu a été passablement remanié pour lui conférer son aspect citadin.
La parcelle a été terrassée, de faux pavés ont été installés et un potager a été créé. Une façade de bâtiment abritant un porche a été entièrement fabriquée. Une fontaine a également été ajoutée ainsi que quelques parements en fausses briques car c'était un matériau très usité à l'époque.
Remarquez les chiens-assis qui ont été installés sur le toit de la grange du fond pour évoquer là encore le vieux Paris.
C'est dans ce lieu qu'Albert Maillard cache la morphine à laquelle Edouard Péricourt est dépendant. Les deux compères sont censés accéder à leur logement par l'escalier en pierre à droite de cette cache mais en réalité, il ne mène qu'à une pièce vide car le décor du repaire d'Albert et Edouard a été créé en studio à Bry-sur-Marne...
Mais revenons à la cour. L'accessoirisation liée à l'ancienne activité de charron de M. Belmont (mort au combat) ainsi que les divers objets usuels comme les poubelles, les bassines et autres cages à poules confèrent au lieu son identité. La majorité de ces éléments proviennent des Écuries Hardy situées à Émancé, non loin de Rambouillet.
Pour que l'illusion soit totale, les arrières plans ont été traités en post-production. Les arbres que l'on voit sur les photos sont devenus dans le film des silhouettes d'immeubles parisiens aux cheminées fumantes...
Le petit appartement de Mme Belmont a également été créé dans la grange du bâtiment principal. La façade en briques avec sa marquise et ses trois marches a pris la place de l'ancienne ouverture. Un praticable a été installé à l'intérieur du bâtiment dont le sol est en simple terre battue. Puis de classiques feuilles décor en bois matiérées et peintes ont été installées pour circonscrire l'appartement. De fausses poutres et une toile tendue ont fait office de plafond. Puis le meublage et l'accessoirisation ont fait le reste.
quelques avant / après de la cour et l'appartement de Mme Belmont à Theuville (Val-d'Oise)
Pour l'anecdote, je me souviens d'un matin où nous tournions dans la cour de Mme Belmont qui avait, dans la séquence dont il était question ce jour là, sorti tout son attirail de chapelière. Sur sa table de travail, ses différents travaux en cours étaient exposés sur des têtes à chapeaux et Albert Dupontel me dit subitement qu'il en manquait une. Il me semblait pourtant que le compte évoqué durant la préparation du film quelques semaines auparavant y était mais Albert était catégorique, il lui fallait cette tête à chapeaux manquante !
Dans ce genre de moment, ce qui pourrait apparaitre comme une demande désuète quand on a la distance nécessaire pour l'évaluer vous met au contraire promptement à l'épreuve. Pour résumer, le tournage était imminent, nous étions dans un village sans commerce et il était de toute façon trop tôt pour importuner le peu d'habitants qui le peuplait. Il fallait trouver une solution de fortune dans l'instant.
Je me suis souvenu que les perruques des comédiens étaient installées au maquillage sur des têtes en polystyrène.
J'avais dans le décor de l'appartement installé plusieurs supports à chapeaux en simple bois tourné et par chance, ils n'étaient pas loués, je les avais achetés d'occasion. J'avais aussi un petit stock de toile de jute dans la grange qui servait de cache à morphine,
Avec leur bénédiction, j'ai emprunté définitivement aux maquilleurs l'une de leurs têtes à postiches et y ai marouflé la toile de jute que j'avais préalablement découpée en bandelettes. J'ai ensuite coupé le support à chapeau pour n'en garder que le pied et y ai piqué la tête en polystyrène désormais recouverte de toile.
Honnêtement, ça n'était pas une réussite mais je n'avais pas le temps de peaufiner.
Je suis retourné sur le plateau où avaient lieu les derniers réglages techniques et j'ai présenté mon prototype à Albert en lui disant que je n'avais pas réussi à faire mieux. Il a jeté un coup d'oeil amusé à l'affaire et m'a dit alors : "Ça fera la blague !" avant de s'apprêter à lancer le premier "moteur" de la journée.
Ce décor a également été implanté dans le village de Theuville. C'est dans ce cimetière que le lieutenant d'Aulnay-Pradelle foule les pierres tombales pour ne pas souiller de boue ses beaux souliers vernis...
À l'origine, et comme l'illustre l'une des photos suivantes, ce vaste lieu circonscrit par un mur d'enceinte avait rendu les armes à dame nature qui n'en avait pas demandé moins et qui s'en était donné à coeur joie. Il a donc fallut élaguer, puis terrasser avant d'implanter les tombes et creuser les quelques fosses nécessaires à la narration.
Lors de cette dernière opération, il est rapidement apparu que le terrain était juste au dessus d'une nappe phréatique. Ce qui eut pour conséquence de transformer à vue d'oeil nos fosses mortuaires en baignoires naturelles dans lesquelles flottaient les cercueils !
En conséquence un système de pompage a été installé pour évacuer l'eau quelques instants avant les prises de vues.
Pour l'anecdote la majorité des dalles étaient en polystyrène matiéré pour leur conférer l'aspect de ciment. Mais évidemment celles sur lesquelles Pradelle faisait ses pas de danse étaient, pour éviter qu'elles ne se déforment sous ses talons, constituées de bois également enduit de ciment pour garder l'unité avec les autres tombes.
le cimetière de Dampierre à Theuville (Val-d'Oise)
Les 70 croix, plaques d'identité des soldats défunts et les cocardes ont également toutes été fabriquées pour la cause.
Le tout a ensuite été dupliqué en post production pour recréer l'ampleur d'un cimetière militaire à cette époque.
Ce décor de rue a été installé à Magny-en-Vexin dans le Val-d'Oise. Dans le film, la petite Louise passe par cette rue, une bouteille de lait à la main avant de s'engouffrer sous un porche pour se retrouver dans le même plan, et grâce à des transitions numériques, dans la cour de Mme Belmont (partie tournée à Theuville). Elle gravit ensuite l'escalier de pierre et se retrouve dans le repaire d'Albert Maillard et Edouard Péricourt (ce dernier décor ayant été intégralement construit en studio à Bry-sur-Marne).
la rue de Louise à Magny-en-Vexin (Val-d'Oise)
Les palissades avec les jambes de force sur la gauche étaient destinées à cacher une boulangerie moderne.
La boutique de vins et liqueurs est en réalité l'arrière boutique de cette boulangerie...
Ce décor était installé dans l'une des pièces d'un hôtel particulier du 17ème arrondissement de Paris situé rue Fortuny à deux pas du parc Monceau dans lequel la production avait également installé les bureaux de préparation du film.
De nombreux autres décors ont été installés sur place comme le Jockey Club, le bureau de Joseph Merlin, le bureau d'Albert Maillard à sa banque, la salle des coffres de cette même banque ainsi que la chambre d'hôtel de Pauline et Albert.
la chambre d'hôpital Paris rue Fortuny (75017)
C'est dans cette chambre d'hôpital qu'Edouard Péricourt se voit proposer des prothèses toutes plus grotesques les unes que les autres pour masquer les ravages de sa gueule cassée. L'essentiel des éléments présents dans cette pièce proviennent des loueurs Quiquistock et Memento Mori, ce dernier étant spécialisé dans le domaine médical depuis son origine jusqu'aux années 50'.
Le plâtre du visage d'Edouard a bien évidemment été fabriqué pour la cause mais de nombreux médicaments anciens présents dans les vitrines proviennent, en plus de ceux loués, d'un lot acheté sur un site français bien connu d'objets d'occasion !
Ce décor a été installé dans un ancien fort militaire de Montmorency dans le Val-d'Oise. Ce fort est aujourd'hui toujours utilisé par l'armée qui l'a reconverti en centre d'initiation aux techniques commandos.
Dans le film, c'est là qu'Edouard Péricourt réalise qu'il est une gueule cassée et c'est également là qu'Albert Maillard falsifie l'identité d'Edouard pour le faire passer pour Eugène Larivière.
l'hôpital militaire au fort de Montmorency (Val-d'Oise)
Beaucoup d'éléments proviennent de nouveau des loueurs Quiquistock et Memento Mori.
L'humidité des lieux et le froid qui régnaient entre les murs épais de ce fort semi-enterré ont mis à l'épreuve l'équipe durant la préparation de ce décor.